Une équipe italienne vient de publier en août 2020, une étude révélant l'existence d'un nouveau gène possiblement liè au lipœdème.

Décodage de ce que cette publication nous apprend sur l'origine de l'accroissement du tissu adipeux.

Le lipœdème est une maladie caractérisée par une accumulation de masse grasse sur certaines parties du corps. Il est souvent accompagné de douleurs, d’hypersensibilité au toucher ou d’ecchymoses.

Mais pas toujours. Il existe des personnes pour lesquelles, le dépôt de graisse caractéristique du lipœdème est présent mais pas les autres symptômes comme la douleur ou les ecchymoses.
On peut alors se sentir désemparé, perdu. Est-ce vraiment un lipœdème ? Ne s’agit-il pas simplement de la cellulite ou d’une morphologie particulière ?
Et l’inverse est également possible. Être atteinte, le savoir, le ressentir et entendre que sans douleur, le lipœdème n’existe pas? Cette situation peut être vécue comme très frustrante.

Mesdames, vous pouvez avoir un lipœdème non syndromique (sans symptômes) et maintenant il existe une piste génétique.

Jusqu’à présent 11 gènes avaient déjà été découverts comme potentiellement en cause dans le lipœdème syndromique (avec douleur et autres signes) mais encore aucun dans le lipœdème non syndromique.

L’équipe italienne des Dr Michelini et Chiurazzi vient de publier en août 2020, une étude portant spécifiquement sur les personnes atteintes de lipœdème non syndromique. Ils ont isolé le 1er gène potentiellement impliqué, le gène AKR1C1.

Les chercheurs ont analysé génétiquement les membres d’une même famille dont 3 femmes sont atteintes de ce type de lipœdème: les deux sœurs et la fille au stade précoce.

Aldo-Keto Reductase 1C1 (AKR1C1) as the First Mutated Gene in a Family with Nonsyndromic Primary Lipedema
Sandro Michelini, Pietro Chiurazzi, Valerio Marino, Daniele Dell’Orco, Elena Manara, Mirko Baglivo, Alessandro Fiorentino, Paolo Enrico Maltese, Michele Pinelli, Karen Louise Herbst, Astrit Dautaj and Matteo Bertelli 
Résultat, le gène AKR1C1 a été identifié comme étant muté chez ces trois personnes.

Et ce gène est particulièrement intéressant … Il est responsable de la synthèse d’une enzyme utilisée par notre corps pour dégrader la progestérone de forme active en une forme inactive.

La PROGESTERONE !!!

Rappelez-vous, le lipœdème évolue plus ou moins lentement mais souvent avec un pic d’aggravation. La puberté, la ménaupose, les grossesses sont des pèriodes de bouleversements hormonals. L'équilibre de nos hormones sexuelles, progestérone et œstrogène, change et la maladie s'aggrave.

Quand le gène est normal, l’enzyme (aldocétoréductase1C1) alors synthétisée par notre corps est fonctionnelle. Elle inactive bien la progestérone présente dans les cellules des tissus graisseux. Mais chez ces femmes, le gène est variant, l’enzyme synthétisée est alors modifiée.

 Le groupe de chercheur a donc analysé cette modification enzymatique d’un point de vue de sa structure et de sa fonctionnalité.

Résultat, l’enzyme aldocétoréductase1C1 a une perte de fonction partielle. Elle dégrade de façon plus lente et moins efficace la progestérone en forme inactive. Il y a donc plus de progestérone dans les tissus adipeux de ces femmes malades.


Mais quelles en sont en les conséquences ?


Physiologiquement les hommes et les femmes ont des différences dans la quantité et la localisation de la graisse sous cutanée. Cette différence est liée aux hormones sexuelles (testostérone, œstrogène, progestérone).
Les niveaux d’œstrogène et de progestérone sont liés chez la femme et sont interdépendants l’un de l’autre. Il a été démontré que l’œstradiol va mobiliser les réserves adipeuses et jouer un rôle sur l’équilibre de l’énergie corporelle, alors que la progestérone inverse les effets de réduction de poids des œstrogènes (démontré sur le rat). On imagine bien que plus de progestérone dans les tissus, liée au dysfonctionnement de l’enzyme, pourrait influencer l’accumulation et la distribution anormale des graisses chez les femmes prédisposées.

L’aldocétoréductase 1C1 a aussi d’autres propriétés sur le tissu adipeux. Elle possède une action sur le freinage de la production de cellules graisseuses (par la voie des prostaglandines PGF2α). Moins efficace, de par sa perte de fonction partielle, l’organisme aurait tendance à fabriquer plus de cellules adipeuses.


Et cette intéressante enzyme aurait aussi une action sur la douleur.


L’alloprégnanolone est une molécule qui agit dans notre cerveau comme un anxiolytique, un antidépresseur. Elle a aussi un effet de régulation de la douleur en participant aux phénomènes de blocage de la transmission du signal douloureux.

L’enzyme aldocétoréductase 1C1 dégrade l’alloprégnanolone .

Bien que le lipœdème soit typiquement rapporté comme un trouble douloureux, des patients ne se plaignent pas de douleur ou de sensibilité à la palpation. Les auteurs supposent que comme l’enzyme n’a qu’une perte de fonction partielle, l'allopregnanolone, pourrait encore exercer son effet antidouleur.

Les femmes atteintes de ce gène variant auraient donc un lipœdème mais non douloureux, un lipœdème non syndromique.


La conclusion de cette étude suggère que l'enzyme aldocéto réductase 1C1 joue un rôle important dans l'accumulation de tissu adipeux sous-cutané de par son action sur la régulation des hormones sexuelles.
Une avancée de plus pour la recherche autour des origines multifactorielles du lipoedème.



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