La question se pose en effet. Dans le nom de la maladie « lipœdème » sont clairement identifiés les mots lipides (gras) et œdème. Et si tout le monde définit la pathologie comme une accumulation disproportionnée de tissu gras sous la peau, le mot œdème est sujet à discussion.

Qu’en pensent les scientifiques ? Y a-t-il un œdème dans le lipœdème ?

Ils ne sont pas d’accord.

  • Pour le Dr Tobias Bertsch et le JWC care consensus document, il n’y a pas d’œdème dans le lipoedème. Ce document a été élaboré à la suite de deux forums européens en 2018 et 2019, réunissant des experts de 7 pays européens.
  • Cependant, le Dr Karen Herbst et le groupe américain standard of care for lipedema ne sont pas d’accord et défendent l’existence d’un œdème dans le lipœdème.


Mais tout dépend de quel œdème on parle. Les deux parties n’ont pas la même définition du mot œdème.
  • Pour le Dr Bertsch et le document de consensus, un œdème est une accumulation de liquide qu’on voit sous la peau : l’œdème se reconnaît au signe du godet, l’empreinte du doigt reste visible lorsque l’on appuie sur la peau.
  • Le Dr Herbst utilise une définition plus large et plus subtile de l’œdème. L’œdème est un excès de liquide dans la zone entre les cellules de graisse. Il y a œdème dès le moment où il y a plus de liquide dans l’espace entre les cellules, même si le signe du godet est négatif.


Les examens qui le prouvent :
  • Pour justifier le fait qu’il n’y ait pas d’œdème sur le lipœdème, le document de consensus se base essentiellement sur l’échographie. L’échographie ne montre aucune poche de liquide entre la peau et le muscle des zones touchées.
  • Le Dr Herbst répond en citant l’étude italienne du Dr Cellina. Alors que l’échographie est négative, l’IRM montre une infiltration de la graisse sous cutanée par du liquide chez 100% des femmes en stade 3.

En utilisant l’IRM comme examen, on voit donc bien un œdème selon la définition utilisée par le Dr Herbst.

Il est amusant de constater que les 2 parties font référence à cette étude du Dr Cellina mais les conclusions en sont différentes puisque ce n’est pas la même définition de l’œdème qui est utilisée. Ce n’est donc pas la même manifestation qui est recherchée.

Cellina M, Gibelli D, Soresina M et al. Non-contrast MR lymphography of lipedema of the lower extremities. Magnetic Resonance Imaging. 2020 ; 71 :115–124.


L’eau piégée et l’eau libre

Le Dr Herbst donne une explication

Dans le lipœdème, il y a une augmentation de l’eau liée (piégée dans les tissus sous forme d’un gel formé par un réseau de protéines, de glucides complexes et de sodium) et un peu de l’eau libre.

Dans le lymphœdème, il y a toujours cette augmentation de l’eau liée mais associée à une forte augmentation de l’eau libre qui va manifester dans les tissus notamment au signe du godet.


Et en observant les tissus, que voit-on ?
  • Pour le Dr Herbst, les vaisseaux sanguins entourant les cellules de graisses (les capillaires) fuient. « Il y a des millions et des millions de capillaires dans les tissus gras. Si chacun fuit, cela beaucoup de liquide dans l’espace intercellulaire qui doit être pris en charge par le système lymphatique ».
  • Pour le document de consensus, les preuves observables d'œdème dans le tissu adipeux chez les patients atteints de lipœdème font défaut.



Qu’en est-il alors de l’efficacité du traitement conservateur et du drainage lymphatique manuel ?


  • La conclusion logique du Dr Bertsch et du document de consensus est que comme il n’y a pas d’œdème dans le lipœdème :
    « Le traitement devrait donc être modifié et le drainage lymphatique manuel (DLM) abandonné puisqu’il n’agit que sur l’œdème. »
    Il reconnait que de nombreux patients peuvent y trouver un bénéfice. Cette action serait dûe au bien être psychologique apporté par le massage et pas par son effet de décongestion des tissus.


  • Le Docteur Emily Iker (Lymphedema Center, Santa Monica, USA) n’est pas d’accord.
    Ses images obtenues à l’échographie chez des patients atteints de lipœdème après DLM, pressothérapie et/ou massage des tissus profonds montrent une réduction de volume des tissus et donc une décongestion.


Que faut-il retenir de tout ça

Il est bien difficile pour nous, patients, de prendre position quand les experts ne sont pas d’accord.

Mon avis est :
Si vous pratiquez le drainage lymphatique manuel et que cela vous fait du bien, au vu de la situation actuelle, je ne vois aucune raison de ne pas continuer.
Si vous avez testé et qu’il n’y a pas de bénéfice ressenti pour vous, arrêtez.

Les autres points fondamentaux du traitement conservateur restent d’actualité et validés : alimentation, exercice physique, port de collant de compression. Il faut se focaliser, en priorité, sur ces méthodes de traitement.


En conclusion :

Il est important de clarifier le fait que le lipœdème n’est pas un lymphœdème et n’est pas causé par le lympœdème comme le précise le Dr Michellini.

  • Pour les experts du document de consensus, il n’y a pas d’œdème dans le lipœdème. Il peut y avoir une coexistence de 2 ou 3 maladies : l’obésité, le lipœdème et le lymphœdème. Ce sont 3 entités distinctes qui coexistent.
    Le lipoedème n’est donc pas une maladie évolutive. Les stades 1, 2 et 3 n’existent plus. Le lipo-lymphoedème et le stade 3 sont donc l’association :
    Lipœdème + obésité,
    Lipœdème + lymphœdème,
    Lipœdème + obésité + lymphœdème
  • La position du groupe américain standard of care for lipedema est bien différente. Le lipoedème est une maladie évolutive avec une aggravation possible liée à la fuite de liquide dans l’espace entre les cellules graisseuses.

Et vous, si vous avez pratiqué le drainage lymphatique manuel, avez vous constaté un bénéfice ?

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